« Ensemble et divers » : Un colloque sur la catholicité.

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Quelques 80 participants ont participé à ce colloque à l’Institut œcuménique de Bossey.

*  Par Martin Hoegger.

Avant les divisions de l’Eglise, tous les chrétiens pouvaient dire sans restriction : « Je crois en l’Eglise une, sainte, catholique, apostolique ». Mais le mot « catholique » en est venu à désigner ce qui spécifie l’église catholique romaine, en la distinguant des chrétiens d’autres confessions chrétiennes. Cependant, toutes les églises vivent une forme ou une autre de catholicité. Comment donc être « catholique » dans les autres traditions ?  Ouvert par une grande célébration œcuménique dans la cathédrale de Lausanne, un colloque a  cherché à répondre à cette question, les 6 et 7 septembre 2010, à l’Institut œcuménique de Bossey.

La première journée fut consacrée à la compréhension de la catholicité dans les différentes Eglises et à la manière dont elle est vécue pratiquement. Un dialogue entre le terrain et la théologie. Shafique Keshavjee, professeur de théologie œcuménique à l’université de Genève et  membre du groupe de préparation, déclare: « Ce colloque est un aller-retour entre spiritualité, prière et réflexion théologique. C’est un privilège de passer de la réflexion fine des théologiens aux défis que les responsables rencontrent sur le terrain ».

L’échange des dons

Ce fut la méthode de ce colloque. Selon Odair Pedroso Mateus, théologien réformé,  professeur à l’Institut œcuménique de Bossey, cet échange est « une grâce de Dieu pour le mouvement œcuménique contemporain, qui consiste en la mise en commun des dons de Dieu dans chaque Eglise ».

Pour que cet échange soit aussi concret que possible,  deux orateurs de chaque confession, l’un théologien, l’autre responsable d’église étaient invités à se concerter pour répondre à deux  questions : a) Comment votre église peut-elle enrichir les autres églises par sa compréhension et sa pratique de la catholicité ?b)Comment votre église peut-elle être enrichie par d’autres églises par leur compréhension et leur pratique de la catholicité ? 

Une autre question portait sur le sens de la catholicité : comment chaque Eglise la comprend et quelles sont les propositions de la théologie œcuménique pour qu’une catholicité davantage œcuménique puisse voir le jour ? Un second article traitera de cet aspect.

Quels sont ces dons donnés et reçus entre les églises ? Quelles sont aussi les faiblesses des églises, qui les conduisent à avoir besoin les unes des autres, selon la parole paulinienne : « La tête ne peut pas dire aux pieds : je n’ai pas besoin de vous » (1 Cor. 12,21). Des conférenciers de cinq familles d’églises  ont échangé leurs dons et reconnus leur besoin des autres églises.

Membre de l’église catholique romaine François-Xavier Amherdt,  professeur à l’université de Fribourg, discerne quatre dons de son Eglise aux autres : la passion pour l’universalité et la mission, le respect du dépôt de la foi, le service rendu par un ministère de communion universelle (celui du successeur de Pierre, qui est à redéfinir, comme le demandait Jean-Paul II). Il appelle son église à développer « une catholicité de communion et non d’absorption »,  en lui reconnaissant le danger de totalisation et de centralisation. Une centralisation que reconnaît également Jean-Robert Allaz, vicaire épiscopal dans le canton de Vaud : « Je constate que des jeunes prêtres sautent par-dessus  l’Eglise locale et vont directement à Rome, où on leur donne souvent  raison ». « Je plaide pour une Église tout entière catholique, tout entière orthodoxe, c’est-à-dire fidèle à la foi des Apôtres et toujours prête à se réformer. C’est à ce prix que nous serons ensemble héritiers du Christ et de son Église », a dit en conclusion F-X. Amherdt.

Adrian Suter, professeur à la Faculté de théologie de l’église catholique chrétienne à Berne, commentant la formule  de Vincent de Lérins – « Ce qui a été cru partout, toujours et par tous » – voit le don de son Eglise dans la recherche du consensus, qui est la condition d’une vraie catholicité. Au nom de ce consensus, elle s’est distancée, au 19e siècle, des tendances centralisatrices de la papauté, tout en reconnaissant  la nécessité d’un ministère de communion. Un autre don est son ouverture aux autres Eglises : « Comme Eglise minoritaire,  dit Jean-Claude Mokry, vicaire épiscopal pour la Suisse romande,  nous savons par expérience que nous ne pouvons nous satisfaire de nous-mêmes. Ce qui veut dire aussi que nous sommes nécessairement appelés à travailler avec les autres Eglises pour mener à bien notre mission ».

Le don que les églises réformées peuvent offrir aux autres églises est celui de mieux écouter la Parole de Dieu, dit Odair Mateus. Il rappelle que, selon les réformés, la « vraie » Eglise est là où, par l’Esprit saint, la Parole de Dieu est bien écoutée et les sacrements bien administrés. Cette Parole a une pertinence universelle et contemporaine, elle suscite la vraie liberté. Mais la faiblesse des églises réformées est de perdre de vue la conscience de la catholicité, d’avoir une « catholicité vulnérable », fragmentée. Didier Halter, président de l’assemblée de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, admet que « chaque église réformée connaît la tentation de se comprendre comme totalement indépendante et donc de perdre de sa catholicité ». C’est pourquoi  O. Mateus appelle les églises réformées à redécouvrir le sens de la catholicité visible, afin d’être « non pas visiblement réformées et invisiblement catholiques, mais visiblement catholiques selon la tradition réformée ».
Un don des églises évangéliques est d’insister  sur l’ecclésialité des congrégations locales, où tous prennent des responsabilités pour la mission du Christ.  « Selon la promesse du Christ – « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18,20) – l’Église est fondamentalement la communauté d’hommes et de femmes, rassemblés au nom du Christ, afin de confesser la foi », dit Alain Nisus, professeur à la faculté de théologie évangélique de Vaux sur Seine. Mais il reconnait le risque d’« isolationnisme » de l’ecclésiologie congrégationaliste. Néanmoins, « ces églises rendent attentif au danger d’une compréhension centraliste et uniformisante de la catholicité », ajoute-t-il. Un autre don de ces églises est d’insister sur l’importance de l’annonce de tout l’Evangile à tous et de la conversion personnelle : « la grâce n’est pas unilatérale, l’Alliance demande une réponse. Pour un évangélique, la mise en action de la foi personnelle et la fidélité à l’Ecriture sont primordiales », dit Norbert Valley, président du Réseau évangélique de Suisse romande.

Mgr Jérémie, métropolite du diocèse suisse du Patriarcat œcuménique a présenté la contribution de l’église orthodoxe qui garde la mémoire des  Pères et des Mères de l’Eglise, des conciles et qui met l’eucharistie au centre de la vie de l’Eglise, en soulignant le ministère de communion de l’évêque. « Cette fidélité à l’héritage chrétien du premier millénaire est le grand don de l’orthodoxie, elle est l’assise commune à une catholicité œcuménique », dit-il.  Quant au directeur de l’Institut œcuménique de Bossey, Ioan Sauca, il voit la faiblesse de l’orthodoxie dans la multiplication des églises orthodoxes sur un même territoire et la tentation de trop lier l’Evangile avec la culture d’un peuple. A la suite du P. Staniloae, il plaide pour une « catholicité ouverte », où l’église orthodoxe s’enrichit des valeurs spirituelles des chrétiens occidentaux : « En vivant une catholicité ouverte, les chrétiens s’enrichissent réciproquement par des critiques mutuelles et des expériences vécues », dit-il.  (1241 mots)

(Un deuxième article traitera de l’approche œcuménique de la catholicité)

* Martin Hoegger est pasteur de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, où il est responsable de l’œcuménisme. Il est secrétaire exécutif de la Communauté des Eglise chrétiennes dans le Canton de Vaud.

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