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Hilary Waardenburg

Membre du comité de la Communauté des Eglises chrétiennes dans le canton de Vaud, dès sa fondation en 2003, Hilary Waardenburg partage son expérience et ses convictions œcuméniques. Elle est représentante de  l’Eglise orthodoxe qu’elle a découvert durant sa jeunesse.

Hilary Waardenburg, vous participez depuis des nombreuses années au comité de la Communauté des Eglise chrétiennes dans le canton de Vaud, quels sont les bons souvenirs que vous gardez de ces années ?

J’ai en mémoire certaines célébrations dans la cathédrale de Lausanne, comme les 75 ans de Foi et Constitution, la prière de Taizé qui l’ont remplie. La récente célébration avec les communautés africaines était aussi très joyeuse. La journée consacrée à la réflexion sur l’accompagnement des malades, proposée par la CECCV, a aussi été un moment fort. De nombreuses personnes de toutes les Eglises y ont participé.

Pour moi, c’est un privilège de travailler avec les autres membres du comité de la CECCV. Nous avons un but commun ; nous avons fait connaissance les uns avec les autres. J’ai beaucoup de plaisir et de joie, j’espère que c’est le cas aussi pour les autres.

Y a-t-il aussi eu des moments difficiles ?

Dans le comité il n’y a pas eu de moments difficiles entre nous, mais les  Eglises membres ont connu des moments difficiles qui ont été vécus dans une grande solidarité.

Vous avez représenté l’Eglise orthodoxe. Pouvez-vous résumer l’attitude orthodoxe envers l’œcuménisme ?

Les Eglises orthodoxes sont membres du Conseil œcuménique des Eglises. La manière de fonctionner du COE étant très occidentale et « protestante », il n’a pas toujours été facile aux orthodoxes d’y participer. Heureusement cela va mieux depuis quelques années suite à une consultation sur cette question. Mais cela n’a pas empêché deux Eglises orthodoxes, celles de Bulgarie et de Géorgie (qui ont d’ailleurs des difficultés internes) de se retirer du COE.

D’autre part, dans l’orthodoxie, l’œcuménisme n’est pas une chose nouvelle. Je rappelle la Lettre encyclique envoyée à toutes les Eglises de la part du Patriarcat de Constantinople, en 1920, proposant la création d’une « Société des Eglises » similaire à la Société des Nations. Les orthodoxes étaient présents à Lausanne en 1927 pour la première Conférence de Foi et Constitution.

Aujourd’hui en Suisse, des prêtres ou des laïcs participent au dialogue œcuménique, mais je constate que la majorité des fidèles reste en retrait.

Les diverses Eglises orthodoxes ont prié ensemble des Vêpres dans la cathédrale de Lausanne à plusieurs reprises, quelle importance avait ces moments ?

Pour nous, une importance énorme. Avant ces célébrations, chaque paroisse suivait son chemin en parallèle avec les autres. En priant ensemble, cela nous a permis de mieux nous connaître, de vivre quelque chose ensemble.

Un œcuménisme « à l’interne » a été nécessaire ?

Oui, bien sûr ! Cet été lors de la fête de l’Ascension, un Conseil des Evêques orthodoxes de Suisse a été constitué. Il est important que les évêques des différentes Eglises orthodoxes se rencontrent pour traiter certaines questions et que les fidèles se connaissent.

Quel est le but de ce Conseil ? Fonder un seule Eglise orthodoxe en Suisse ?

Non. Le but est d’avoir une coordination. Avoir aussi une voix orthodoxe face à l’Etat. On prévoit un concile panorthodoxe : le statut de la diaspora sera une des questions qui devra être abordée : comment gérer les paroisses de diaspora reliées à leur Eglise d’origine ? On n’arrive pas pour le moment à avoir une seule Eglise locale parce qu’il y a des langues et des traditions très différentes. Par exemple, les grecs et les roumains suivent le calendrier occidental pour les fêtes de date fixe (p. ex. Noël, l’Annonciation, la Transfiguration) tandis que les serbes et les russes suivent le calendrier julien, où les dates sont décalées de 13 jours (p. ex. Noël tombe le 7 janvier).

Pour vous, quel est le cœur de la spiritualité orthodoxe ?

Sans doute la liturgie. Dans la tradition orthodoxe la Liturgie eucharistique est une rencontre entre le ciel et la terre. On vit sur terre ce qui se fait au ciel. Les fidèles rassemblés pour la Liturgie sont l’Eglise, et ils participent à la vie de Dieu en recevant le corps et le sang du Christ.

Ce qu’on reçoit dans la liturgie on le porte avec soi et aux autres, ceux avec lesquels ont vit. C’est la fraternité.

Les images saintes, les icônes ont aussi une grande importance, quel est leur sens ?

Chaque personne est une image de Dieu. Voir un mendiant, un SDF… c’est voir l’image de Dieu défigurée – mais pas totalement effacée. Les icônes représentent les saints, elles sont une interpellation ; elles nous invitent à la transfiguration.

Vous êtes également vice-présidente de l’Association de l’Arzillier, la maison du dialogue interreligieux. Quel est pour vous le lien entre le dialogue œcuménique et l’interreligieux ?

Je trouve que c’est important de soutenir des initiatives telles que celles de l’Arzillier. J’ai vécu dans un pays du Moyen Orient et voyagé dans beaucoup de pays à majorité musulmane. Je ne dirais pas que je suis engagée dans le dialogue interreligieux. L’important est me semble-il de vivre ensemble et de mieux se connaître. Quand, jeune, j’ai étudié l’islam,  je me suis dit un jour : « C’est une belle théologie, pourquoi ne pas devenir musulmane ? » Mais je ne pouvais pas renier ma foi dans le Christ.  Aussi bien le dialogue œcuménique que le dialogue interreligieux se basent sur le respect et la fraternité, mais dans le dialogue œcuménique nous partageons la même foi en Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, et nous tendons vers l’unité de tous les chrétiens.

Vous êtes née dans l’Eglise anglicane et avez fait un chemin vers l’orthodoxie. Pouvez-vous nous en dire les étapes ?

Mon père était prêtre anglican. Mais au moment de mon séjour au Liban, je n’ai pas trouvé d’Eglise anglicane. J’allais à différentes églises, catholique, protestante et orthodoxe. De retour en Angleterre à Oxford, c’est dans l’Eglise orthodoxe que je me suis sentie le plus chez moi. Ce qui m’a touché était surtout l’implication de tout le corps dans la prière, également les offices de la prière monastique. Pour moi, ce n’était pas une rupture, mais une progression dans ma vie.

Un autre aspect touchant a été le témoignage des martyrs sous les régimes communistes. Plusieurs personnalités orthodoxes m’ont aussi marquée, comme le Père Lev Gillet, que j’ai eu le bonheur de connaître personnellement et des évêques remarquables tels qu’Antoine Bloom, Kallistos Ware et Georges Khodr.

Au moment où vous vous retirez du comité de la CECCV, quel est votre « testament » œcuménique ?

Je souhaite continuer dans cet esprit de fraternité et ne pas me focaliser sur ce qui nous divise, comme la communion eucharistique. Pour le moment, nous ne pouvons pas trouver la solution pour certaines questions, mais nous pouvons nous réjouir de ce que nous vivons ensemble. La participation à la CECCV a été une expérience très profonde : il est beau d’être ensemble tendus vers un même but.

Merci beaucoup Hilary. Vous prenez votre retraite du Comité de la CECCV, mais vous ne serez pas en retrait de l’œcuménisme.

Propos recueillis par Paulino Gonzalez et Martin Hoegger

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