retraite
Lausanne, 9.6.2011

Riche rencontre à Crêt-Bérard, le 4 mai 2011. Les membres de l’Assemblée de la Communauté des Eglises chrétiennes dans le canton de Vaud (CECCV) ont consacré une journée de retraite sur le thème de la Parole de Dieu dans la vie des diverses Eglises.

Une journée ouverte par une Lectio divina, qui lui a donné une tonalité particulière : écoute dans le silence, esprit de recherche, d’accueil et d’ouverture. Avec un texte source sur ce thème : les disciples sur le chemin d’Emmaüs rejoints par le Christ leur ouvrant les Ecritures.

Paulino Gonzalez, prêtre et responsable de l’œcuménisme dans l’Eglise catholique vaudoise rappelle la révolution du Concile Vatican II dans l’Eglise catholique. « Alors que la foi était centrée auparavant sur le catéchisme, le document Dei Verbum (1964) a demandé que l’Ecriture soit accessible à tous, car « ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ », disait Saint Jérôme ». Ces Ecritures sont toujours à interpréter en recherchant ce que les auteurs sacrés ont réellement voulu dire. Leur lecture doit être accompagnée par la prière, car elles ont été données afin qu’un dialogue s’établisse entre Dieu et les hommes.

La récente « Exhortation apostolique » Verbum Domini (2010), fruit d’une vaste consultation mondiale a réaffirmé l’importance centrale de la Parole de Dieu dans la vie de l’Eglise. Elle met en garde contre le double danger d’une lecture sécularisée et littérale. Elle souligne que le lieu privilégié de sa lecture est la liturgie et la catéchèse. « En résumé, depuis bientôt 50 ans, un grand effort a été fait par l’Eglise catholique pour se réapproprier la Parole de Dieu », note P. Gonzalez.
La pasteure Line Dépraz, membre du Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud, souligne le lien entre la Bible et la Parole de Dieu : « un lien fort mais les deux ne se confondent pas. Les textes sont donc toujours à interpréter ». Dans l’Ancien Testament, la Parole est une force créatrice, par elle Dieu intervient et suscite des prophètes. Dans le Nouveau Testament, elle s’identifie avec une personne, le Christ reconnu comme le Verbe. « La Bible, précise L. Dépraz, témoigne de cette force créatrice, mais cette force de vie dépasse le texte ».

Citant les « Principes constitutifs » de l’EERV, elle souligne la pluralité des Ecritures (par exemple, les quatre Evangiles), qui rend nécessaire l’interprétation et la responsabilité de l’interprète. « Pour nous réformés, il n’y a pas de dogme qui permettrait une compréhension univoque des Ecritures. Chacun peut vivre sa foi librement, sans subir de pressions ni être jugé». Elle reconnaît cependant que l’Eglise réformée a développé une lecture trop intellectuelle : « on oublie que les textes sont là pour nous toucher ».

« La Parole qui contient les Ecritures ».
« Il faut se garder de généraliser au sujet des Eglises évangéliques. Elles sont marquées par une grande diversité », dit Jean-Jacques Meylan, pasteur dans la Fédération romande des Eglises évangéliques. « Certes, il y a eu une tendance à identifier la Bible à la Parole de Dieu, ce qui a favorisé une lecture fondamentaliste et  a conduit ces Eglises à se diversifier à l’extrême, à cause de la pluralité interne de la Bible ». Se basant sur un document de son Eglise, il affirme que la Parole de Dieu est plus vaste que les Ecritures. Celle-ci les précède et les englobe. Elle est active dans la création et la conscience humaine, s’adresse aux hommes dans leur langage, est inscrite dans les Ecritures et révélée sur le visage de Jésus-Christ.

« Si je dis que la Bible contient la Parole de Dieu, je risque de faire un tri subjectif. Si je l’identifie, je risque le fondamentalisme. Il faut donc dire que la Bible est contenue dans la Parole de Dieu », précise J.J. Meylan. Mais on ne découvre pas la Parole de Dieu à travers l’Ecriture sans la foi et un travail d’interprétation. « L’appropriation et l’acceptation intérieure sont essentielles », ajoute-t-il.

Hilary Waardenburg, membre orthodoxe du comité de la CECCV, souligne le contexte premier où la Bible est lue dans l’Eglise orthodoxe, à savoir la liturgie. Durant celle-ci l’Evangile est vénéré comme l’est l’icône du Christ. Celle-ci le montre la Bible à la main, signifiant par là qu’il nous parle à travers les Ecritures. Les évangiles sont le cœur des Ecritures et sont portés en procession durant la liturgie, symbole de la Parole de Dieu qui se répand parmi les hommes.

D’autre part tous les textes liturgiques sont un tissage de textes bibliques et les psaumes chantés à tous les offices ; beaucoup de fidèles les savent par cœur. L’expérience liturgique est donc marquante pour l’interprétation de la Bible. Le Père Adrian Diaconu, prêtre de l’Eglise orthodoxe roumaine, ajoute que la vraie interprétation des Ecritures est spirituelle, dans l’Esprit saint, lequel donne de respecter leur unité dans la diversité. Pour y parvenir, il est nécessaire d’entrer dans un état de lumière par la prière, l’ascèse et la participation à l’eucharistie.

« L’Eglise anglicane est très inclusive. Les anglicans peuvent s’identifier à tout ce qui a été dit plus haut », affirme la pasteure Adèle Kelham, membre anglican du comité de la CECCV. Pour avoir une idée de la position de son Eglise, il faut retourner aux 39 Articles de Religion, écrits en 1662. Ils défendent la suffisance des Ecritures pour le salut : « L’Ecriture sainte contient toutes les choses nécessaires au salut, au point que tout ce qui ne s’y lit pas, ou ne peut être prouvé par elle, ne doit pas être exigé de personne pour être cru comme article de Foi, ni estimé requis ou nécessaire pour le salut. (Art. 6) » La pasteure mentionne également un récent document de son Eglise, le Windsor Report (2004), qui affirme l’autorité des Ecritures, à travers lesquelles le Dieu trinitaire exerce son autorité, ainsi que leur nécessaire interprétation, qui doit chercher l’intention de l’auteur, plus que de s’en tenir à la lettre.

Dominique Frickart, pasteur de l’Eglise adventiste de Renens, se sent proche de l’Eglise anglicane, en affirmant la complémentarité des deux Testaments, dont le Christ est le centre : « Ce sont elles qui rendent témoignage à mon sujet » (Jean 5,39). L’inspiration est aussi essentielle pour comprendre la nature des Ecritures : « Toute Ecriture est inspirée de Dieu » (2 Tim. 3,16). Mais il ne faut pas la considérer comme une dictée mécanique, car sont en jeu la personnalité des auteurs et le contexte historique et social.

Que pouvons-nous dire ensemble ?
A la fin de la retraite, nous nous sommes posé cette question. Voici les points communs que nous avons découverts :

  • La Parole de Dieu, c’est d’abord le Christ, le Logos, le Verbe. « La Parole est plus vaste que les Ecritures. Elle les contient. Dieu nous parle à travers les Ecritures, mais aussi à travers la Création, la Tradition et notre conscience. Toutefois la Bible, et au cœur de celle-ci les quatre évangiles, est le moyen privilégié par lequel Il se communique. Particulièrement durant le culte ou la liturgie.
  • Toute Ecriture doit être interprétée. Lire l’Ecriture avec « intelligence », c’est faire la relation entre tout passage avec Jésus-Christ mort et ressuscité. (Inter-legere signifiant « lire entre »). La question fondamentale d’une herméneutique chrétienne est : quel est le lien de chaque texte avec le mystère pascal ?
  • Lire l’Ecriture en invoquant l’Esprit qui l’a inspirée. Présupposé fondamental de la Lectio divina, on n’a jamais fini de demander l’intelligence spirituelle pour comprendre des textes qu’on a lu tant de fois. Sinon nous restons des « hommes sans intelligence ». (Luc 24,25)
  • Ne pas opposer la lecture spirituelle et croyante à la lecture savante et académique.  L’apport de l’université est apprécié, mais la théorie ne suffit pas. De même que les disciples d’Emmaüs reconnurent le Christ dans le geste du partage, nous avons besoin de la rencontre d’autrui et de l’expérience du partage.  Le but de la lecture ecclésiale des Ecritures est de rencontrer le Christ et de vivre en lui.  (Jean 20,31)

Certainement des accents différents sont mis dans nos diverses Eglises concernant le statut des Ecritures et le lien entre la Parole de Dieu et celles-ci. Par manque de temps, nous n’avons pu les identifier. Cependant nous sommes heureux de pouvoir déjà reconnaître ces convergences.

Que pouvons-nous faire ensemble ?

Voici un florilège de réponses à cette dernière question :  

  • Rédiger des prières inspirées par notre lecture commune de la Bible.
  • Construire, au moyen de la lecture commune de la Bible,  des passerelles entre les Eglises historiques et les Eglises évangéliques.
  • Développer encore davantage la Lectio divina entre nos différentes Eglises et à l’intérieur de celles-ci.
  • Organiser un événement autour de la Bible, comme le « Festibible », qui a eu lieu en septembre 2010 à Fribourg.
  • Vivre un temps de jeûne ensemble durant le Carême.
  • Pour la retraite de 2012, approfondir le thème de la Bible dans la Liturgie.
  • Redécouvrir le lavement des pieds : nos différentes églises pourraient-elles vivre ensemble ce geste durant une célébration de la Parole à la Cathédrale de Lausanne ?
  • En outre, le P. Paulino Gonzalez a attiré notre attention sur le « Manuel d’œcuménisme spirituel », de Walter Kasper (Nouvelle Cité, Bruyères-le-Chatel, 2007, pp. 22-27) lequel donne plusieurs propositions d’actions communes, telles que
    • Rendre disponibles des calendriers de passages de l’Ecriture sainte pour la méditation individuelle ou en groupe de chrétiens de traditions différentes
    • Organiser des journées, des semaines ou des années spécifiques consacrées à la Bible ou à des thèmes bibliques
    • Découvrir d’autres manières de lire l’Ecriture, en particulier celles de l’Orient avec une approche plus symbolique
    • Répondre ensemble aux problèmes posés par la société moderne à la lumière de la Parole de Dieu, etc…

Martin Hoegger

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