De passage à Lausanne, à l’invitation de la Communauté des Eglises Chrétiennes dans le Canton de Vaud et de l’œuvre d’Orient, Mgr G. Casmoussa, ancien archevêque de Mossoul en Irak, a donné le 17 octobre 2012 une conférence dans une Maison de l’Arzillier pleine à craquer sur la situation des chrétiens en Orient.
Une situation inquiétante pour les chrétiens d’Orient
« Demain sera-t-il encore possible d’être chrétien en Orient ? » Voilà une question qui fait mal, remarque Mgr Casmoussa. Il est vrai que différents éléments semblent troublants pour les chrétiens. La montée d’un islam fondamentaliste, l’irruption d’un l’islam politique qui confond état et religion, la prise en étau des chrétiens provoquant une émigration massive de ceux-ci et enfin la baisse fulgurante de la natalité parmi les chrétiens sont autant de facteurs inquiétants. Ces courants fondamentalistes qui traversent actuellement tous les pays musulmans posent la question de savoir s’il est possible d’imposer une loi religieuse, c’est-à-dire la sharia, aux adeptes des autres religions. Ces courants fondamentalistes et salafistes cherchent à islamiser la société. Cela place les chrétiens, comme les autres non-musulmans, dans une situation de discrimination et souvent sans aucune possibilité de se défendre. Les attaques contre les chrétiens, comme les massacres advenus dans le passé, ne sont pas de nature à rassurer les chrétiens.
Deux solutions se présentent alors aux chrétiens l’exil ou la conversion. Plus de la moitié des chrétiens d’Irak ont déjà quitté le pays. A cette situation vient s’ajouter l’intervention de forces extérieures qui souvent enveniment les situations, car le problème n’est pas d’abord religieux, mais un drame humain. Pourtant, Mgr Casmoussa n’a de cesse de rappeler les raisons d’espérer.
Des raisons d’espérer
Il nous faut garder l’espoir car l’histoire nous apprend que rien n’est définitif. L’orateur mentionne trois facteurs d’espérance. Premièrement, la majorité des masses musulmanes apprécient réellement les chrétiens. Les courants fondamentalistes ne sont représentatifs que d’une minorité, mais une minorité qui veut occuper toute la scène médiatique et politique. Deuxième facteur d’espérance : tous les musulmans ne sont pas un bloc uniforme. Eux-mêmes sont les premières victimes des courants fondamentalistes et radicaux. Il y a aussi en islam un important courant modéré et pragmatique, sympathique même, qui s’élargit de plus en plus et qui considère le fanatisme religieux comme une déviation, voire même une déformation de l’islam qui ne peut que conduire à terme à une destruction de l’islam. Nous avons à soutenir ce courant modéré. Le rigorisme passéiste ne peut que porter en lui-même les raisons de son éclatement. Enfin, troisième raison, chrétiens et musulmans sont condamnés à s’entendre. Le choix se situe entre une complémentarité des cultures et des religions au service de l’homme au lieu de l’affrontement et du choc des civilisations.
Le dialogue est un défi, mais il reste la seule voie possible.
Que pouvons-nous faire ?
G. Casmoussa avance trois idées :
- Appuyer la cause des chrétiens dans les instances internationales : travailler pour la reconnaissance des droits civils et religieux de tous les citoyens.
- Dans les rapports internationaux dépasser les intérêts purement commerciaux et financiers pour faire respecter les droits humains des peuples.
- Apporter un soutien concret aux projets locaux de développement.
Interrogé par les étudiants présents à la conférence, Mgr G. Casmoussa a témoigné de son expérience personnelle qu’il a vécue lors de son enlèvement en 2005. Il a été confronté à ses ravisseurs. Il a su garder son sang froid devant eux en établissant un dialogue témoignant d’une foi profonde et respectueuse.
Paulino Gonzalez
Georges Casmoussa Issu d’une famille modeste d’un village chrétien de la pleine de Ninive. Ancien Archevêque syro-catholique de Mossoul en Irak, il est actuellement auxiliaire patriarcal résident au Liban. Penseur, écrivain, journaliste, directeur d’un journal (Pensée Chrétienne), parfait polyglotte, il a traversé des coups d’Etat et des guerres, vécu une occupation et frôlé la mort lors de son enlèvement en janvier 2005 en Irak. Il vient de publier aux Editions Nouvelle Cité son livre « Jusqu’au bout ». Un témoignage personnel dans lequel il revient sur sa vocation et son parcours. C’est grâce à sa foi qu’il a pu tenir jusqu’au bout. Né en 1938 à Karrakosh, ville chrétienne du nord de l’Irak, G.B. Casmoussa est ordonné prêtre en 1962 à Mossoul avant de devenir en 1999 comme évêque puis archevêque. Dans ces entretiens, il retrace son enfance irakienne, les diverses communautés qui cohabitaient dans sa région natale et témoigne de sa foi. Il a fêté cette année les 50 ans de sacerdoce. Il est un ardent défenseur du dialogue avec l’islam.