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La fraternité de prière oecuménique dans l’Abbatiale de Romainmôtier

Par Martin Hoegger.

Catholiques et protestants prient tous les jours ensemble dans l’abbatiale de Romainmôtier. Depuis 10 ans, les membres de la Fraternité de prière œcuménique mettent la prière pour l’unité des chrétiens au cœur de leur vie. Entretien avec le pasteur du lieu, Paul-Emile Schwitzguebel, protestant et Jean-Yves Savoy, catholique, membres de la fraternité.

A l’origine de la fraternité, une humble persévérance dans la prière. Paul-Emile se souvient : «  Pendant 5 ans, nous avons vécu des offices de prière dans une grande pauvreté, tout en cherchant si  des personnes étaient prêtes à nous rejoindre. Je me suis dit « Si Dieu le veut, il se passera quelque chose ». Après ce temps de désert, trois membres de la communauté du Chemin Neuf ont rejoint les trois sœurs de St Loup déjà présentes. On pouvait alors commencer quelque chose »

Fondée en 2003, la Fraternité prolonge l’expérience de plus de 20 ans de Communauté fraternelle entre deux sœurs protestantes (de Saint Loup) et deux sœurs catholiques. Elle s’est dotée d’une charte centrée sur la prière pour l’unité des chrétiens et rédigée dans l’esprit de la Charte œcuménique européenne. Un nouvel office de prière a été mis en place. Deux ans plus tard, un lien est établi avec le Conseil synodal de l’Église évangélique réformée et le vicariat épiscopal de l’Église catholique. En 2006, ils ont installé la fraternité dans sa mission de prière pour l’unité et d’accueil des personnes. Dès les débuts des personnes de la paroisse y participaient. Aujourd’hui elle compte une vingtaine de membres.

Maturations

Jean-Yves remarque : « En presque dix ans d’activités les choses mûrissent et se confirment. On ne fait pas de théories mais on expérimente la fraternité en priant ensemble trois fois par jour, en nous confrontant avec la Parole, en étant en lien avec les autres. Alors subtilement et finement, des pas se font ». Mais il n’est pas toujours facile de faire communauté ensemble. « Les crises sont inévitables dans un groupe comme le nôtre, reconnaît Paul-Emile. On partage en profondeur et les personnalités sont fortes. Un point difficile a été le chant. Chacun voudrait chanter selon sa tradition. Il a fallu trouver un répertoire qui intègre la richesse de nos diverses traditions et sensibilités. Et cela reste un chantier permanent

Romainmôtier est un lieu très visité. En découvrant les offices priés, les gens sont étonnés et posent des questions. « Un couple d’italiens était ému de voir qu’on pouvait être ensemble pour prier, cela leur paraissait impensable. A la fin de l’office un homme s’est exclamé : « je ne suis pas croyant, mais ici est le seul lieu où je rencontre Dieu ». Un autre jour, après un temps de prière silencieuse, deux dames s’étonnent qu’à côté de Lausanne il soit possible de vivre la prière silencieuse. Elles pensaient que l’on devait aller en Orient  pour cela », se souvient Paul-Emile.

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L’Abbatiale de Romainmôtier

Qui participe à cette fraternité ? Parfois des gens arrivent et disent « J’aimerais faire partie de votre groupe »…mais ils ne reviennent pas. Une dame d’une petite ville voisine a mis deux ans de réflexion avant de se décider. Un prêtre orthodoxe a trouvé ici un lieu qui lui convient. Il est heureux de cette communion.« Parfois on est pauvre, un petit groupe », reconnaît Jean-Yves. Il faut alors tenir dans la durée. « Nous vivons cela avec nos pauvretés, nos peu de moyens, confirme Paul-Emile.

Nous cherchons à vivre une parabole d’unité en témoignant que l’on peut vivre et prier ensemble même quand nous sommes peu nombreux. Etre modestement signe de l’exaucement de la prière du Christ pour l’unité, en tout cas y tendre. Je suis sûr que le Père a exaucé Jésus dans sa prière. Le problème vient de nous, il nous faut entrer dans cette réalité par notre prière ».

Que signifie prier pour « l’unité visible des chrétiens » ?

« A la fin de chaque office on en demande la grâce au Seigneur de retrouver « l’unité visible ». Une unité à la fois entre Églises, à l’intérieur de chaque Église et en nous-mêmes, affirme Paul-Emile. La découverte que je fais avec cette prière, c’est qu’il y a un appel à être unifié en soi. Et cela est toujours en construction ».

Mais que signifie l’expression « unité visible ». Jean-Yves précise sa pensée : « C’est clair que quand je prie pour l’unité « visible », je ne pense pas à un nivellement ou une refonte des diverses confessions chrétiennes dans une seule et même Église, ni à un retour des autres confessions chrétiennes par exemple dans l’Église catholique-romaine. D’une part, cette unité « visible » pour laquelle nous prions est dans le mystère de Dieu. Quelque chose nous échappe, qu’il nous faut accueillir, même si nous ne pouvons le définir. Et cette unité visible n’exclura pas la diversité de nos sensibilités et de nos approches du mystère du Christ. Si nous pouvions mieux dépasser les a priori qui subsistent souvent d’une Église à l’autre, si nous pouvions humblement reconnaître que c’est le Christ qui est notre unité et que nous ne sommes pas les détenteurs de la vérité, car la Vérité c’est Lui, Jésus le Christ, comme Il est aussi le Chemin et la Vie. Si nous pouvions mieux nous accueillir les uns les autres, voir et accueillir les diverses Églises avec leurs richesses et leurs pauvretés… ce serait déjà de l’ordre de cette unité visible ».

Prière pour l’unité, mais aussi prière pour les besoins que les gens expriment en venant dans l’abbatiale. « La prière nous rend proches d’eux, confie Jean-Yves. Ils sont heureux de savoir qu’on prie ici pour eux. Cette attention que nous portons les uns aux autres, crée un espace, c’est aussi une parabole de communion avec l’humanité souffrante ».

 

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