jesusjeune

Le dimanche 1er février, une célébration de la Parole aura lieu à la cathédrale de Lausanne. Elle sera animée par des personnes engagées dans le jeûne en lien avec les semaines de jeûne en carême organisée par l’Action de carême (AdC) et Pain pour le prochain (PPP), et en lien avec les engagements en matière de protection du climat dont la réunion des Nations-Unies à Paris marquera le point culminant en décembre. Béatrice Vaucher, coordinatrice des groupes de jeûneurs (et membre du comité de la CECCV) explique le sens humain et chrétien du jeûne.

Jeûner ? Qu’est-ce que cela évoque pour vous ? Pour la plupart d’entre nous, ce terme est associé à effort, renoncement,… parcours du combattant, folie…

S’il n’était que cela, bien des personnes auraient renoncé à s’engager dans un jeûne !

Le jeûne est bien sûr abstention… abstention plus ou moins totale de nourriture, il peut également se décliner aujourd’hui dans le renoncement temporaire de certaines attaches, tabac, alcool, usage immodéré d’outils de communication, smartphone, télévision, tablettes et ordinateurs… abstention parfois tout autant difficile que celle de la nourriture !

Abstention qui est précédé par une prise de conscience. Le jeûne est d’abord une prise de conscience du trop plein ! Nos journées, nos maisons, nos existences sont bien souvent remplies jusqu’à l’encombrement qui ne laisse plus place à l’autre. Tout comme la parole a besoin de silence pour être entendue, notre vie professionnelle de repos pour être menée à bien, notre vie familiale de vacances pour se renouveler, la vie dans l’Esprit a besoin d’entraîner (= ascèse) notre corps à se libérer pour porter du fruit.

Associés à la prière et au partage, le jeûne est traditionnellement un moyen privilégié pour retrouver un juste rapport à Dieu, aux autres et à soi. Le jeûne est donc ouverture.

Le jeûne permet de se libérer de ce qui entrave notre marche et encombre nos vies. Il convient donc bien à la préparation d’une décision et d’une mission. Moïse jeûne avant de recevoir la Torah (Ex 34,28) et le peuple hébreu implore de cette façon le pardon divin (Lv 16,29). Jésus, sans être un ascète comme Jean le Baptiste, jeûne quarante jours au désert avant de commencer son ministère public (Mt 4,2) et invite ses disciples à faire de même « lorsque l’Époux leur sera enlevé » (Mt 9,15). Les premiers chrétiens s’abstiendront ainsi de nourriture le mercredi et vendredi en mémoire de la trahison de Judas et de la Passion du Christ. La tradition monastique en fera une arme privilégie dans le combat spirituel contre les vices et passions et un rappel que « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Désencombré, plus à l’écoute de Dieu et de l’autre, le jeûneur vit une réelle expérience libératrice de ce qui peut habituellement le posséder.)

Dans la tradition chrétienne, jeûner n’est pas une fin en soi mais un moyen de devenir disciples et fils de Dieu. Jésus invite à la discrétion et à la joie (Mt 6,16) et l’Église, fidèle à l’évangile, va l’associer à une prière plus intense et un souci des autres (aumône, partage, visites…) qui lient ouverture au Père du ciel et aux frères et sœurs de la terre dans un même mouvement d’accueil, de don et de désapprobation. Un des fruits du jeûne communautaire est alors de nourrir la fraternité et de trouver la voie d’un nouveau rapport à la création. Chemin d’une sobriété heureuse qui peut transformer non seulement nos relations mais aussi toute l’économie du monde. Le jeûne manifeste une autre faim et soif qui habite l’humanité, celle de l’amour et de la reconnaissance et où il annonce la plénitude des temps à venir, symbolisé par le banquet céleste dont nos fêtes ici-bas ne sont que de pâles préfigurations

Le jeûne nourrit… oui, il nourrit le corps qui grâce au vide crée par quelques heures ou quelques jours d’abstention, se régénère et retrouve son tonus et son énergie.

Le jeûne nourrit… l’âme, parce qu’elle peut se concentrer sur l’essentiel, soi, les autres et Dieu…

Le jeûne nourrit… la solidarité. Le slogan lié à cette célébration est une reprise de la campagne de carême : Moins pour nous, assez pour tous : conformément aux principes bibliques et éthiques de la tradition chrétienne, une invitation nous est adressée de nous délester du superflu, de la surabondance qui privent d’autres de l’indispensable. Cette année, l’accent est mis sur la consommation effrénée, qui nuit au climat et à la qualité de l’alimentation dans le monde, ainsi qu’à la possibilité pour les populations du Sud de s’alimenter en suffisance. Le jeûne permet, grâce à la récolte de ce qui n’a pas été investi pour la nourriture à participer à des projets de solidarité d’ici et d’ailleurs.

Le jeûne est un engagement volontaire de personnes en bonne santé qui souhaite mettre en cohérence leurs observations et leur analyse avec les actes de la vie quotidienne. Avec le jeûne, on découvre en soi non pas le vide, mais la vie… Pèlerins sur le chemin de la joie et de la simplicité, mettons-nous en route !

Béatrice Vaucher

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