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Les évêques et quelques prêtres des Eglises orthodoxes en Suisse. Chambésy, 17 mai 2012

Par Hilary Waardenburg*

Le 17 mai 2012 a été un jour historique pour les orthodoxes de Suisse.  Pour la première fois l’Assemblée des Évêques orthodoxes de Suisse (AEOS) a organisé une journée de rencontre pour les communautés orthodoxes du pays.  Une concélébration de la Divine Liturgie a réuni dans l’Église S. Paul de Chambésy six évêques, une trentaine de prêtres et de diacres et environ 250 fidèles.

La  diversité du monde orthodoxe suisse s’est reflétée tant dans le nombre de langues utilisées pendant la célébration (grec, arabe, slavon, serbe, roumain et français) que dans la musique, où des chorales francophone et russe alternaient avec les chantres grec et roumain. Tout se passa dans une atmosphère de beauté et d’harmonie extraordinaire ; pour ceux qui y assistaient, cette Liturgie donnait vraiment un avant-goût de la liturgie céleste.

A la fin de la Liturgie, Mgr Jérémie, archevêque de Suisse dans le Patriarcat de Constantinople, a expliqué la signification de l’AEOS et ses tâches, notamment de  « vivre ensemble avec nos différences » et de renforcer la collaboration entre les différentes communautés.

Suivirent les agapes, qui donnèrent l’occasion de retrouver des amis d’un peu partout. Ensuite M. Jean-François Mayer, sociologue des religions, a présenté la situation actuelle de l’orthodoxie en Suisse : environ 130’000 personnes dans une petite cinquantaine de paroisses. La moitié des orthodoxes viennent de l’ex-Yougoslavie. (Voir le site Orthodoxie.ch pour le résumé de cette communication).

Le père Gabriel Bunge, moine qui vit en ermite au Tessin, a pris pour thème de sa conférence « Etre orthodoxe en Occident aujourd’hui ».  Il a souligné que même si la société occidentale est maintenant très sécularisée, les orthodoxes qui viennent s’installer en Suisse ne devraient pas  s’y sentir étrangers, car les racines du christianisme dans ce pays remontent au premier millénaire quand il n’y avait pas encore de division entre Occident et Orient. En témoignent les saints qu’ils vénèrent, comme par exemple Saint Maurice et ses compagnons en Valais et Sainte Régula et son frère Félix à Zurich.

Pour réfléchir sur la présence orthodoxe en Suisse, Père Gabriel s’est appuyé sur la phrase du Credo : « Je crois en l’Eglise une,  sainte, catholique et apostolique ». Tous les fidèles sont membres de l’Église, et l’Église est une, même si ses divisions ne sont que trop visibles.  L’unité de l’Eglise est l’affaire de Dieu ; quand le Christ a prié « Que tous soient un, comme toi, tu es en moi, et comme je suis en toi »  il s’est adressé au Père.  Dieu veut que l’Église soit une, et même si nous sommes appelés à nous unir, c’est Lui qui décidera quand et comment cette unité se fera.
En Christ, l’Eglise est sainte et elle rassemble tous les justes depuis la création. Les fidèles orthodoxes venus en Suisse découvrent ainsi les saints locaux, comme par exemple les Pères du Jura ou Félix et Régula à Zurich.  Ce faisant, ils rendent parfois un service aux chrétiens d’Occident qui ne connaissent pas toujours ces saints.

Si l’Église est catholique, universelle, cela ne concerne pas une universalité administrative. L’Église n’efface pas les limites de temps et de lieu ou les frontières nationales, mais elle les transcende. Ainsi les fidèles orthodoxes n’ont pas à se sentir « exilés » en Occident. L’Église est apostolique parce que le Christ a donné aux apôtres le pouvoir de transmettre le Saint Esprit à d’autres personnes, et ce pouvoir a été transmis de siècle en siècle jusqu’à nos jours. Avec les évêques et les prêtres qui enseignent et accomplissent les sacrements, les fidèles sont responsables pour l’Église. Ils ont le défi de vivre leur foi en Occident, pour eux-mêmes, pour les autres chrétiens et pour leurs concitoyens.

La rencontre s’est conclue avec un message d’encouragement et de soutien adressé par des jeunes orthodoxes aux évêques et au clergé.

Origines de l’Assemblée des Évêques orthodoxes en Suisse

L’Assemblée des Évêques orthodoxes en Suisse a été constituée suite à la décision de la 4e Conférence Panorthodoxe Préconciliaire de 2009 de former dans chaque pays qui accueille une diaspora orthodoxe significative un conseil des évêques orthodoxes.  A la différence de l’Église catholique romaine qui a une organisation centralisée, l’Eglise orthodoxe connaît différents patriarcats et des Eglises locales unies dans la foi mais indépendantes dans leur organisation.  Dans une situation de diaspora comme celle de la Suisse, plusieurs patriarcats ont créé des paroisses pour les fidèles originaires de leur juridiction.  En général ces paroisses célèbrent dans la langue d’origine des fidèles (p.ex. grec, serbe), quoiqu’en Suisse romande quelques paroisses francophones existent aussi. Mettant en pratique la décision de la Conférence Panorthodoxe, les évêques ayant sous leur juridiction une paroisse en Suisse ont décidé en 2010 de créer l’AEOS.

Réunir les évêques ayant sous leur juridiction une paroisse en Suisse n’est pas une tâche facile.  Si le patriarcat de Constantinople (ou patriarcat œcuménique) et l’Eglise russe hors frontières (maintenant dans le patriarcat de Moscou) ont chacun un évêque domicilié à Genève, les évêques des patriarcats d’Antioche, de Moscou et de Roumanie habitent à Paris, tandis que le diocèse d’Autriche et de Suisse du patriarcat de Serbie est administré actuellement par l’évêque de Novi Sad (Serbie).  Cela explique en grande partie pourquoi, après la décision de la Conférence Panorthodoxe de 2009 et la création en 2010 de l’AEOS, deux ans ont passé avant cette journée de rencontre à Chambésy.

Un début de collaboration entre paroisses des différents patriarcats orthodoxes existait déjà dans certaines régions avec la concélébration des offices ou de la Liturgie. Sous l’égide de l’Assemblée des Évêques orthodoxes ces collaborations pourront se développer, par exemple en ce qui concerne le  travail pastoral (notamment parmi les jeunes), et les aumôneries, voire la recherche d’une reconnaissance officielle de la part des autorités cantonales.

* Hilary Waardenburg est membre de l’Eglise orthodoxe (Patriarcat de Constantinople). Elle est vice-présidente de la Communauté des Eglises chrétiennes dans le Canton de Vaud.

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