catholicite
Shafique Keshavjee, Claire Clivaz, John Gibaut, Sœur Minke, Job Getcha, Frank Lemaitre : parmi les 15 intervenants du colloque sur la catholicité.

*  Par Martin Hoegger.

« Ici, nous vivons probablement la catholicité que nous cherchons, que Dieu a voulue pour son Eglise. Nous avons constaté que l’Esprit saint a été parmi nous ». Ce constat enthousiaste a été fait par le professeur Gosbert Byamungu,  durant le colloque « Vers une approche œcuménique de la catholicité », organisé par la Communauté des Eglises chrétiennes dans le Canton de Vaud, en septembre dernier à l’Institut œcuménique de Bossey.

Pour cet ancien professeur d’herméneutique biblique de Bossey, actuellement collaborateur au Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, c’est dans le contexte de la mission que la catholicité doit être comprise : « ce terme fut introduit dans le langage théologique de l’Eglise primitive pour souligner une attitude essentielle parmi ceux désirant porter le christianisme de Jérusalem, où il avait vu le jour, jusqu’aux confins du monde entier ».

La catholicité commence dès Abraham, à travers qui toutes les nations de la terre seront bénies : « les peuples du monde entier louant un même Seigneur, dans le respect de leurs particularités propres. Il ne s’agit pas d’uniformité mais d’harmonieuse diversité ». Le récit de Pentecôte le manifeste, alors que celui de la tour de Babel décrit les initiatives de l’homme sans Dieu, où l’on ne se comprend plus.

« Le principe de catholicité est né dans l’intention de résoudre le problème d’un nombre immense de peuples et de cultures désireux de vivre dans la concorde car ils appartiennent au même berger et ont reçu le même mandat de faire connaître son amour et son projet à tous les hommes de la terre », remarque-t-il, en ajoutant que la catholicité implique l’espérance de nous réunir un jour pour partager le repas du Seigneur : « la pluralité de nos Eglises et leur éventuelle unité se base sur notre capacité à prononcer ensemble la prière eucharistique ».

Une conversion à un sens plus large de la catholicité

Invité à donner une contribution sur la réflexion de la théologie œcuménique, John Gibaut, le directeur de Foi et Constitution, estime que depuis le 16e siècle, les Eglises sont incapables de reconnaître la catholicité les unes chez les autres. Ce terme continue à être employé pour marquer la limite entre une communauté chrétienne et une autre. Parcourant l’histoire de cette notion dans la commission Foi et Constitution, il souligne l’importante contribution de Lukas Visher,  qui avait appelé à ne pas éviter ce terme. Il faut au contraire redécouvrir ce qu’il signifie et le libérer de l’appauvrissement et de la réduction dont il a été victime au cours de l’histoire de l’Eglise.

A la fin de son exposé, J. Gibaut avoue qu’il a été « converti » par les documents de Foi et Constitution, qui donnent un sens plus large au terme de catholicité, comme le « BEM »  (Baptême, eucharistie, Ministère) l’avait fait avec l’apostolicité. Sa conclusion : « La manière dont le BEM a appelé les Eglises à recevoir et appliquer une nouvelle conception de l’apostolicité doit être présentée explicitement aux Eglises en relation avec la catholicité ».

Autre son de cloche, toutefois, chez Claire Clivaz, professeure de Nouveau Testament à l’Université de Lausanne. Elle doute que les regards soient en train de réellement se convertir autour de cette notion et préfère le langage de la communion (Koinonia) : « parce que tant d’autres avant nous ont succombé à la fascination du rêve de l’universalité institutionnelle – avec ce qu’elle implique d’interdiction -, je préfère décidément parler de koinonia, de communion ».

La pasteure réformée se demande en outre si ce sont surtout les protestants qui ont à retrouver le mot « catholique »…ou aussi les catholiques romains ? Certains ont  assurément plus de chemin à faire, mais en se mettant à l’écoute de la Bible, le chemin à parcourir est absolument aussi long pour les uns que pour les autres.

Enfanter l’Eglise de demain.

Sœur Minke, de la communauté de Grandchamp, confesse au contraire : « J’ai été libérée d’une hésitation assez profonde d’utiliser l’expression « catholique ». Elle témoigne de son expérience de vie liturgique, où elle vit l’ouverture aux autres Eglises : « Une vraie catholicité a des conséquences liturgiques », affirme-t-elle. « Notre tradition liturgique est très dépouillée. C’est devenu une grâce de pauvreté qui nous permet de beaucoup recevoir des autres, et de nous réjouir de ce qui leur a été donné à travers les siècles… En tant que petite cellule du Corps du Christ, nous participons à l’enfantement de l’Eglise de demain. Une Eglise où toute la richesse des différentes traditions, dans leur grande diversité, peut circuler, se communiquer, une Eglise vraiment catholique ».

Frank Lemaître, responsable du service œcuménique de la Conférence des évêques de France, souligne l’importance des dialogues bilatéraux, où l’Eglise catholique est engagée (une douzaine). Mais par delà ces relations bilatérales, le souci de l’unité de tous les chrétiens doit être présent. Il faut résister, dit-il, à l’idée d’ « un espace Schengen  œcuménique », et se garder des rapprochements qui veulent faire front contre diverses tendances dans certaines Eglises : « Le souci de la catholicité ne devrait-il pas nous rendre insupportable cet œcuménisme partial – peu soucieux de la catholicité – qui veut ignorer ou exclure certaines familles ecclésiales ? »

Job Getcha, professeur à l’Institut d’études supérieures en théologie orthodoxe de Chambésy, rappelle les intuitions fortes du théologien Jean Zizoulias, pour qui la catholicité, à l’origine, n’a pas de connotation quantitative. En effet, pour Ignace d’Antioche, c’est l’Eglise locale qui est toujours identifiée à l’Eglise catholique. Chaque Eglise locale ne doit pas être considérée simplement comme une partie ou une portion de l’Eglise universelle, mais comme une manifestation dans un lieu donné de la plénitude (catholicité) de l’Eglise. «Prendre plus au sérieux…la réalité de l’Eglise locale et la théologie qui lui est propre peut être d’une importance extrême pour le mouvement œcuménique », écrivait Zizoulias et c’est à cela que Getcha appelle également, pour qu’ « en se recentrant sur le Christ, et ainsi, se retrouvant là où est le Christ Jésus, on se retrouve dans l’Eglise catholique ».

Les actes de ce colloque paraîtront en 2011, avec un essai de synthèse qui cherchera à dégager ce que nous nous partageons déjà et ce qui nous sépare encore et proposera des pistes pour une meilleure compréhension et une plus grande communion entre nos Eglises.

* Martin Hoegger est pasteur de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (Suisse), où il est responsable de l’œcuménisme. Il est secrétaire exécutif de la Communauté des Eglises chrétiennes des Eglises de ce canton. 


 


Le professeur Shafique Keshvjee et les poupées russes

Une image a accompagné le colloque, celle des « poupées russes », qui s’emboîtent les unes dans les autres. Y a-t-il une Eglise qui englobe toutes les autres ? Quelle est la dimension qui apparaît en premier : la congrégation, les dimensions régionales ou diocésaines ? Ou une dimension plus large encore : le lien avec Rome pour l’Eglise catholique romaine, avec un Patriarcat pour l’Eglise orthodoxe, avec une Fédération, une Communion ou une Alliance pour les Eglises issues de la Réforme protestante et du Réveil ?  Et qu’entend-on par Eglise locale ? La congrégation (évangéliques), l’Eglise cantonale (réformés), le diocèse (catholiques, orthodoxes) ? Ou encore  les diverses églises en un même lieu, appelées à prier et témoigner ensemble (vision œcuménique) ?  Autant de questions que le colloque a posées. 


Dossier sur le thème de la catholicité

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