racines
La catholicité de l’Eglise est fondée dans sa relation au Christ et à toute l’humanité (Œuvre du peintre chinois He Qi)

Par Martin Hoegger*

« Qui est catholique ? »  Pas si simple de répondre à cette question! Il faut d’abord s’entendre sur ce terme, dont l’usage est devenu délicat et dont on a souvent perdu sa signification véritable. Un séminaire de deux jours à l’Institut œcuménique de Bossey, les 6 et 7 septembre 2010, réfléchira au sens de la catholicité. Et se demandera dans quelle mesure une catholicité plus « œcuménique » peut être vécue.
Le terme grec qui se trouve à la racine du mot « catholique » convie l’idée de totalité  (« selon le tout ») et  désigne ce qui dans l’Église est relation à l’ensemble de l’humanité. Avant les divisions des Églises, tous les chrétiens pouvaient dire sans restriction : « Je crois en l’Église une, sainte, catholique, apostolique ». Mais le mot « catholique » en est venu à désigner ce qui spécifie l’Église catholique romaine, en la distinguant des chrétiens d’autres confessions chrétiennes. C’est pourquoi certaines Églises ne l’emploient plus, lui préférant le terme – moins riche – d’  «universel ».
Cependant, toutes les Églises vivent une forme ou une autre de catholicité… mais souvent divergent quand il s’agit de la définir et surtout de l’articuler à une autre forme de catholicité. Alors il faut se rencontrer pour apprendre à mieux se connaître. Tel sera l’objectif de ce séminaire : rassembler des responsables d’Églises en Suisse romande ainsi que des théologiens de différentes confessions pour comparer ces formes de catholicité. Ceux-ci chercheront également à discerner les fondements communs et les convergences possibles. Une troisième étape imaginera quelles « conversions » pourraient être demandées aux uns et aux autres pour qu’une catholicité « plus œcuménique » puisse éventuellement se développer.
Parmi les seize orateurs prévus durant le séminaire, nous avons demandé à quatre d’entre eux quelle est pour eux l’importance du thème de la catholicité. Soulignons que ce séminaire n’est pas réservé à des spécialistes. Tous ceux que ce thème œcuménique central intéresse peuvent y participer. Une invitation spéciale a été lancée aux étudiants des divers organismes de formation théologique de Suisse romande.
François-Xavier Amherdt,  professeur à l’Université de Fribourg, reconnaît que l’Église catholique romaine a fait de la catholicité l’instrument « d’un universalisme de conquête ou d’une préservation de territoire conquis », comme le dit le Groupe des Dombes. Il propose de réfléchir sur la catholicité dans une double direction : dans sa relation au Christ, qui est le fondement  de l’Église, et dans  la relation à l’humanité, vers laquelle l’Église est envoyée, sans aucune exclusion possible. Pour le professeur Amherdt, la catholicité de l’Église a donc un fort aspect missionnaire.
Il estime que ce thème a aussi un aspect œcuménique et pose la question : « dans quelle mesure mon Église catholique romaine a-t-elle véritablement besoin des autres Églises pour exercer la mission que lui vient du Christ et qui est le cœur de la communion ?…Est-elle aussi ouverte aux dons que Dieu a mis dans les autres Églises ? »
Le directeur de la Commission Foi et Constitution, John Gibaut, constate que pour la plupart des chrétiens, le mot catholique divise ; c’est une catégorie. Il estime qu’on a une perception très réduite du sens du mot catholique. Il faut l’élargir en retournant à son sens originel. « L’heure est venue, affirme-t-il, de tous nous identifier comme des chrétiens de souche catholique. La catholicité nous donne la liberté de retrouver nos racines, notre foi et notre mission communes.» Il espère que ce colloque permettra une clarification de cette notion, afin que les Églises puissent se reconnaître réciproquement  comme « catholiques », de la même manière que le document « Baptême, eucharistie, ministère » l’avait fait pour la question de l’apostolicité.
Odair Mateus, professeur à l’Institut œcuménique de Bossey et membre du secrétariat de Foi et Constitution, constate que la vie de l’Église réformée, à laquelle il appartient, et la théologie qui la soutient, ont eu une tendance à rendre invisible l’expérience de catholicité. « Nous avons perdu, dans la polémique avec l’Église de Rome, un sens fort du lien entre l’Église locale et  l’Église universelle. L’universalité a été mise de côté et un certain congrégationaliste continue à prévaloir ». Une réflexion sur la catholicité de l’Église réformée  aidera à mieux percevoir la signification de l’Église dans notre société actuelle. « La catholicité, ajoute-t-il,  est une résistance à tout particularisme et nous appelle à recevoir les dons des autres Églises… »
Pour Ioan Sauca, le directeur (orthodoxe) de l’Institut œcuménique de Bossey, ce thème pose la question : « Comment puis-je me définir ? En séparation des autres ou en relation avec les autres ? » Il s’appuie sur la réflexion du théologien orthodoxe Stalinoae, qui a proposé la notion de « catholicité ouverte » : « Peut-on se définir comme catholique si on ne prend pas en compte les chrétiens des autres confessions ? Pour  être vraiment catholique, il faut être ouvert et inviter les autres chrétiens autour de la table ».
I. Sauca souligne l’importance de ce thème qui touche à la nature même de l’Église. « L’ecclésiologie est le domaine le plus délicat dans le travail œcuménique actuel, où on n’est pas arrivé à un consensus…  J’espère qu’en discutant de la catholicité, durant cette rencontre,  on avancera vers une ecclésiologie davantage œcuménique ».  (907 mots)
Martin Hoegger est pasteur de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (Suisse), où il est responsable de l’œcuménisme. Il est secrétaire exécutif de la Communauté des Églises chrétiennes des Églises de ce canton. 
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Écoutez les interviews des quatre théologiens de cet article

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